Saint-Lary Soulan, un village Pyrénéen entre développement et respect de l'environnement

Sécheresse, canicule, inondation… Aujourd’hui l’homme ne peux nier les effets du réchauffement global de la Terre. En France les aléas climatiques s’enchaînent. Le Pas de Calais a connu d’importantes inondations au début de l’année 2024, tandis que les Pyrénées Orientales connaissent une sécheresse sans précèdent depuis 2 ans.
L’observatoire Copernicus alerte, pour la première fois de l’histoire notre planète a connu un réchauffement climatique de plus de 1 degré sur un an. Ce chiffre est d’autant plus inquiétant en France, où la température a déjà grimpé de 1,4 degré par rapport à l’ère préindustrielle (1850-1900), période de référence pour les scientifiques.
Frédéric Durand, professeur émérite, dont le principal sujet d’étude est le réchauffement climatique s’inquiète aujourd’hui : « la plupart des gens ont l'impression que la hausse des températures va être quelque chose de progressif, c'est-à-dire qu'on va gagner quelques centièmes ou quelques dixièmes de degrés tous les ans et qu’on va essayer de s'adapter. C'est beaucoup plus compliqué que ça, on est dans des phénomènes qui sont 100 à 1 000 fois plus rapides. »
En France, certaines typologies se sont révélées plus vulnérables que d’autres. Les massifs montagneux représentent 30% du territoire de l'hexagone, or, nous pouvons le constater avec la sécheresse des Pyrénées Orientales, nos chaînes de montagnes sont particulièrement sensibles au réchauffement climatique."Les montagnes se réchauffent deux fois plus vite que les autres écosystèmes : dans les Alpes et les Pyrénées françaises, la température a augmenté de plus deux degrés au cours du XXe siècle, contre 1,4 degré dans le reste de la France", constate Météo France dans un article du site Vie Publique, publié en 2023.
Frédéric Durand tente d’expliquer ce phénomène : « Ça peut être lié à la couverture nuageuse, par exemple. Les nuages ont un rôle protecteur en renvoyant une partie de l'énergie solaire, ils protègent ainsi les sols du réchauffement, sauf qu’il y a des régions de montagne où le plafond nuageux est plus bas, donc ils ne bénéficient pas de cet effet de parasol des nuages. »

Sur ce graphique on constate entre 1961 et 2020, une hausse de 1,15 degré comparé aux normales de saisons en France. Source : Météo France. ©L.D
Sur ce graphique on constate entre 1961 et 2020, une hausse de 1,15 degré comparé aux normales de saisons en France. Source : Météo France. ©L.D

Les massifs montagneux mis à mal
Cette hausse des températures dans les massifs montagneux à plusieurs conséquences. La première, la fonte des glaciers et la hausse de température du permafrost. Des phénomènes qui entraînent une déstabilisation des versants montagneux, entraînant des risques d’avalanches ou de glissements de terrain.
Parmi les premières victimes on retrouve aussi la biodiversité : « En principe, il faudrait que les espèces gagnent en altitude pour pouvoir survivre, mais si certaines d’entre elles arrivent à se déplacer plus facilement, l’ensemble de l’écosystème ne le pourra pas forcément. Les prédateurs perdent leurs proies, les fleurs, leurs insectes et l’écosystème est perturbé » explique François Durand.
En haute montagne, 44 espèces animales et 186 espèces végétales sont menacées selon le GIEC (le Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat).
Autre conséquence, avec la diminution de l’enneigement, la disponibilité de la ressource en eau pose question. On constate, déjà un assèchement des sols, mettant en danger les forêts, qui sont devenues plus vulnérables face à l’augmentation des feux de forêt.
Toutes ces conséquences pour la faune et la flore bouleversent aussi les activités humaines. « Les dates et les parcours pour la transhumance sont de plus en plus décalés chaque année, allant jusqu’à mettre en danger la pratique du pastoralisme à cause d’un gel plus fréquent qui entraîne une diminution de la ressource en herbe » confie Frederic Durand.
Mais l’homme n’est pas sans influence, notamment par la création d’infrastructures de plus en plus nombreuses liées aux stations de ski. Dans un article de Vie Publique, l’Office Français de la Biodiversité (OFB) souligne que "La création de stations de sports d'hiver a engendré de gros bouleversements dans le paysage : aménagement de tunnels et de routes, construction d'hébergements et équipement de domaines skiables". Toujours selon l’OFB, la France est le pays qui possède le plus grand nombre de remontées mécaniques au monde, or, « les terrassements et les damages des pistes rendent le sol plus compact, plus imperméable, et détruisent la végétation naturelle. En été, la pratique de sports comme la luge ou le VTT entraînent l'érosion des sols. Le terrassement génère des dommages sur la végétation et empêche l'infiltration des eaux de pluie. »
Pour protéger ces espaces dits sensibles, 11 parcs nationaux ont été créés en France. Le troisième à voir vu le jour est le Parc National des Pyrénées créé le 23 mars 1967, il couvre 100 km de montagne et s’étend sur 6 vallées, le long de la frontière avec l’Espagne.

Frédéric Durand est un professeur émérite qui s'intéresse au réchauffement climatique depuis 35 ans. © Frédéric Durand
Frédéric Durand est un professeur émérite qui s'intéresse au réchauffement climatique depuis 35 ans. © Frédéric Durand

Frédéric Durand est un professeur émérite qui s'intéresse au réchauffement climatique depuis 35 ans. © Frédéric Durand
Frédéric Durand est un professeur émérite qui s'intéresse au réchauffement climatique depuis 35 ans. © Frédéric Durand

© Louisa Destugues
© Louisa Destugues

© Louisa Destugues
© Louisa Destugues
Qu'en est-il des Pyrénées ?
Afin de trouver des solutions pour palier le réchauffement climatique l’Observatoire Pyrénéen du Changement Climatique (OPCC) a été créé en 2010 sous la présidence de la Région Midi-Pyrénées. Il publie un rapport en 2018 dans lequel il constate les effets du réchauffement climatique sur le massif montagneux et tente de trouver des solutions pour y remédier. Nous nous sommes penchés sur ce rapport. « Des impacts sont déjà observés dans tous les secteurs naturels et socio-économiques, tels que la disparition accélérée d’écosystèmes sensibles et d’éléments iconographiques comme les glaciers ; l’altération du cycle de vie de nombreuses espèces, parmi lesquelles des espèces endémiques ».
Les espèces sont les premières touchées, obligées de monter en altitudes pour trouver un climat supportable : « Il a été estimé que, au cours de ces dernières années, les espèces européennes se sont déplacées de 11 mètres en moyenne par décennie vers les altitudes supérieures à cause du réchauffement planétaire » précise le rapport de l’OPCC. La question de la disponibilité en eau pose aussi de plus en plus question : « Les sécheresses et le changement des précipitations pourraient provoquer des altérations au niveau du cycle hydrologique, en modifiant la quantité d’eau disponible dans les lacs de haute montagne. »
Le rapport évoque différents facteurs économiques des Pyrénées, le principal étant l’attrait touristique du ski, pourtant le rapport met en avant un avenir compromis : « Le changement climatique et ses effets sur la durée du manteau neigeux pourraient déboucher sur la réduction de l’attrait touristique hivernal de certaines stations de ski situées dans les Pyrénées. Entre 1960 et 2010, le nombre de jours par an avec une épaisseur de manteau neigeux inférieure à 30 cm a considérablement augmenté dans toutes les stations de ski et à toutes les altitudes. De même, la date de commencement de la saison de ski a peu à peu reculé »
La manière la plus évidente de constater le réchauffement climatique en milieu montagnard c’est en observant le manque de neige. Nous nous sommes rendus à Saint Lary Soulan en pleine saison hivernale, la dernière semaine de décembre 2023. Une fois sur place nous avons pu constater que sur les 55 pistes proposées par la station de ski Altiservice, seules 23 étaient ouvertes.
Durant notre reportage nous faisons la rencontre de Vincent Alazard habitant de Vieille-Aure, le village voisin de Saint-Lary-Soulan, il s’inquiète : « J’habite Vieille Aure depuis 20 ans maintenant, et sur cette courte période à l’échèlle mondiale, j’ai observé une vraie évolution au niveau de l’enneigement ». Il nous donne un exemple : « il y a une vingtaine d'années, j’ai acheté une fraise à neige. Jusqu'à cette année je l'ai au moins sortie eune fois pour déneiger la cour de la ferme où nous habitons. Cette année, pour la première fois depuis que j'ai acheté cette fraise à neige, je ne l'ai pas sortie. »
Il souligne pourtant le travail de la mairie de Saint-Lary-Soulan pour lutter contre le réchauffement climatique : « Je n'ai aucun lien avec les élus, mais moi, je considère qu'ils sont sincèrement portés à protéger l'environnement, simplement, ils doivent jongler entre protéger l'environnement et développer la vallée.
Une mairie engagée pour l’environnement ?
Suite à cette déclaration nous sommes donc allés à la rencontre des élus, pour en savoir un peu plus sur leurs projets environnementaux. En avril, nous faisons la connaissance de Marie Cayre, responsable environnement Saint-Lary-Soulan depuis 14 ans
A ses côtés nous découvrons d’autres problématiques environnementales : « A cause du réchauffement climatique, les éboulements sont de plus en plus fréquents. A Saint-Lary on a une grosse lentille de pierre qui menace de partir, ce secteur est particulièrement sensible alors il est sous surveillance ».
Aussi, quand on évoque la question du manque d’eau, on pense aux Pyrénées Orientales pourtant les Hautes Pyrénées sont également touchées : « ce qui est de plus en plus prégnant, c'est toutes les questions de la ressource en eau, par rapport aux deux derniers étés qui viennent de passer, on sent bien que ça reste tendu en terme de ressources en eau. Il y a des petits villages qui ont des approvisionnements sur des petites sources qui se sont retrouvés sans eau » s’inquiète Marie Cayre.
Comment limiter ces effets du réchauffement climatique ? Plusieurs solutions ont été initiées par la municipalité : « Il y a un gros travail qui est fait sur la gestion de la ressource en eau, avec la recherche des fuites sur les réseaux. On cherche aussi à limiter l’utilisation de cette ressource pour des « loisirs » : « on a mis toutes les fontaines en circuit fermé et on arrose les espaces verts à six heures du matin. Toujours dans cet objectif, on essaye de planter des espèces qui demandent moins d’eau ».
« Le transport arrive en première position des émissions de gaz à effet de serre suivi de près par l’habitat »
Cette question de lutte contre le réchauffement climatique est arrivée très tôt au sein de la mairie de Saint-Lary-Soulan, puisqu’elle est, en 2007 « la première station pyrénéenne à signer la Charte en faveur du développement durable en station de montagne » souligne Marie Cayre.
L’adhésion à cette charte a conduit à un premier bilan carbone en 2009, réalisé sur dix stations de montagne.
Il ressort de cette étude que « le transport arrive en première position des émissions de gaz à effet de serre suivi de près par l’habitat » confie la chargé d’environnement.
Un plan d’action sur le long terme
Suite à ces constatations, un plan d’action a été mis en place : « C’est à cette période que nous avons installée ce qu’on appelle un ascenseur Valléen. C’est une télécabine qui permet de relier le bas du village et qui monte directement à la station. Cette solution a généré une importante économie d’émission de gaz à effet de serre, puisque les clients ne montent plus en station avec des voitures ou en navette » se réjouit Marie Cayre.
Ils ont également envisagé la mise en place d’une navette électrique « mais le bus de montagne électrique on n’y est pas encore. On n’arrive pas à avoir les performances nécessaires pour pouvoir le mettre en place. Il y a plein de contraintes liées au climat, aux dénivelés et à l’autonomie des batteries ». En contre-partie, ce sont les voitures de la collectivité qui sont toutes hybrides ou 100% électriques.
Comme l’a rappelé Marie Cayre, la deuxième cause d’émission de gaz à effet de serre à Saint-Lary-Soulan c’est le logement. Cette constatation s’explique par les énergies qui y sont utilisées. Afin de s’améliorer, en 2016, la mairie a travaillé en partenariat avec l’ADEME, l’agence de transition écologique pour une révision de leur plan local d’urbanisme. Huit ans plus tard, pour aller plus loin, un autre projet prend place aujourd’hui : « Un diagnostic des bâtiments communaux au niveau énergétique est en cours, avec pour objectif l’amélioration des performances énergétiques, c’est un programme de travaux pluriannuel qui va être mis en place ». L’énergie électrique utilisée, , est principalement fournie par un système hydraulique, une énergie qui est non polluante puisqu’elle ne génère « que » 24 grammes de CO2 par kWh, « seul l’éolien offshore fait mieux, avec 11 grammes équivalent CO2 par kWh » selon le site Transitions et Energie. « Enfin, des travaux viennent aussi de commencer pour mettre en place une chaufferie énergie bois qui va alimenter un certain nombre de bâtiments, notamment les thermes, l’office du tourisme, la mairie et l’école » confie la responsable environnement. Cette source d’énergie « permet de diviser les émissions de CO2 par 12 par rapport au fioul et par 6 par rapport au gaz » selon un communiqué de l’ADEME.
Reste à voir si les travaux énergétiques seront bien entrepris après le diagnostic.
La biodiversité en partenariat avec le Parc National des Pyrénées
Marie Cayre, est en charge de la partie environnement dit « urbain », en s’intéressants aux sources d’énergies, aux habitations ou à l’aménagement du village, mais Saint-Lary-Soulan abrite une faune et une flore exceptionnelles.
Quand nous lui posons la question, l’agent municipal nous assure que « la biodiversité fait également partie des enjeux majeurs de protection à Saint-Lary-Soulan. Par contre pour cette partie nous laissons faire les professionnels, grâce à un partenariat privilégié avec le Parc National des Pyrénées ».
La mairie s'est toutefois investie dans la création d’un atlas de la biodiversité : « un grand recensement a été fait l’année dernière, il arrive à son terme. Cet inventaire nous a permis d’obtenir plus de connaissances sur la biodiversité de notre territoire. On a ainsi pu déterminer nos lacunes et les données qui nous manquaient, ensuite ce sont les agents du parc qui comblent nos défaillances »
Afin d’en connaître un peu plus sur la biodiversité et mieux comprendre comment les agents du Parc protègent l’environnement, nous sommes allés à la rencontre de George Gaza, garde moniteur depuis 7 ans. Il nous a permis de passer une journée avec lui l’occasion de découvrir la difficulté de ce métier au milieu de la nature.
Le métier d’agent du parc
Pour un agent du parc national des Pyrénées, à Saint-Lary-Soulan, la journée commence à 9 heures. On se retrouve à la maison du Parc en plein milieu du village. Quand on rentre, on découvre les cinq agents du jour. Ils discutent gaiement autour d’un café et d’une galette des rois.
Après s’être équipé : polaires, chaussures de marche, jumelles et télescope optiques, George est prêt à partir. On monte en voiture - électrique comme nous l’avait confié Marie Cayre - direction la Vallée de Rioumajou. 20 minutes plus tard nous nous posons dans une ancienne colonie de vacances désaffectée.
Sur la route on n’a croisé personne : « à cette période de l’année, on est les seuls à pouvoir monter jusqu’ici. Le sentier est fermé en hiver à cause des potentielles plaques de givre ou des éboulements ». C’est ici que George déploie son télescope optique : « ma mission aujourd’hui, c’est de surveiller les Gypaètes Barbus qui vivent sur le flanc de montagne là-bas ».
Ces oiseaux sont des vautours qui ont une petite spécificité. Ils forment un couple à trois, deux mâles et une femelle. Ainsi, ils se relaient pour veiller sur l’œuf et éduquer leur oisillon jusqu’à ses un an.
Cette espèce, considérée comme en danger en France, est surveillée dans les Pyrénées française. Elle a complètement disparu des Alpes dans les années 1935 : « Ils ont été chassés à cause de leur apparence de diable. Les habitants les ont tués en les empoisonnant, les chassant ou en faisant du braconnage » confie l’agent.
Cette surveillance dure près de trois heures. En plein mois de janvier, sans bouger, le froid s’invite rapidement, même pour le professionnel : « je ne sais pas vous, mais je ne sens plus mes pieds moi » rigole-t-il « Le métier d’agent de terrain, ce n’est pas le plus facile. Certes on est dans des paysages magnifiques, mais il faut sortir qu’il pleuve ou qu’il vente, par -5 ou 40 degrés ».
En hiver la surveillance des espèces est l’activité principale des agents. Cette observation permet de consigner les déplacements de l’animal, le nombre d’individus présents, son mode de vie, c’est ainsi qu’ils veillent à la préservation de la biodiversité : « c’est utile pour les scientifiques qui analysent ces données et s’en servent pour expliquer l’évolution des espèces ».
A midi, tout en mangeant, c’est l’occasion de parler des différentes missions d’un garde moniteur. « Comme vous pouvez le voir en hiver on fait beaucoup de surveillance, on observe les changements de paysage par rapport à l’année dernière. Par exemple, avec le réchauffement climatique on voit que plusieurs espèces montent dans les sommets à la recherche de fraîcheur, comme le lézard de Bonnal pour qui il fait trop chaud en bas maintenant, on constate aussi ce phénomène avec les arbres, le pin à crochet par exemple est un survivant de l’ère glaciaire alors vous imaginez bien qu’il se réfugie dans les hauteurs ».
Le travail des agents, c’est aussi de signaler des points noirs paysagers, comme les fils électriques ou les usines. « On fait alors une demande à la municipalité ou au gérant pour un démantèlement qui est financé par le Parc. Les poteaux de mines, par exemple. Non seulement ils ruinent le paysage, mais ils peuvent aussi être un danger pour les grands rapaces ».
En été par contre, George et ses collègues revêtent la casquette de policier. Avant d’intégrer l’équipe du Parc National des Pyrénées, ils ont suivi une formation qui leur confère le droit de donner des amendes ou de dresser des procès-verbaux. Ils surveillent la vallée du Rioumajou et la réserve naturelle du Néouvielle. Ces deux zones ont des règles très strictes pour limiter les impacts sur l’environnement. Il y est interdit de promener son chien, d’allumer un feu ou de faire du bivouac en dehors des zones réservées à cet effet.
12h30, il est temps de ranger nos affaires. George nous emmène sur les pas de l’ours. Dans la vallée de Rioumajou se promène Cannellito. Le dernier spécimen de la souche Pyrénéenne. Ses congénères sont tous d’origine Slovène.
« C’est l’équipe ours brun qui est chargée de le surveiller et de mettre en place les pièges photo », nous explique l’agent. Georges nous conduit sur une zone où sont posés 7 pièges photos, des appareils utiles pour surveiller les habitudes de Cannellito. « Pour attirer les ours on a posé du goudron sur les arbres, c’est une odeur qu’ils adorent. Et pour récupérer des poils, il y a du fil barbelé. Ça ne leur fait absolument pas mal, pour vous donner un ordre d’idée, ils ont une épaisseur de poil équivalente à la longueur d’un doigt ».
Aux côtés de Georges nous découvrons qu’à cause du réchauffement climatique, l’ours n’hiberne plus, il hiverne : « Vu les températures cet hivers je suis sûr que Cannellito ne dors pas, il doit être en train de se balader à la recherche de nourriture. Il est certes moins actif qu’en été, mais il n’hiberne pas par cette température ».

George Gaza passe régulièrement des heures à observer des espèces endémiques aux Pyrénées © Louisa Destugues
George Gaza passe régulièrement des heures à observer des espèces endémiques aux Pyrénées © Louisa Destugues

Un Gypaète Barbu en vol à la recherche de nourriture. ©Gilles Laurent
Un Gypaète Barbu en vol à la recherche de nourriture. ©Gilles Laurent

Un Gypaète Barbu en vol à la recherche de nourriture. ©Gilles Laurent
Un Gypaète Barbu en vol à la recherche de nourriture. ©Gilles Laurent

George nous amène en randonnée sur la trace de l'ours © Louisa Destugues
George nous amène en randonnée sur la trace de l'ours © Louisa Destugues

On peux voir sur cet arbre un des piège photo. L'appareil est posé en face pour prendre en photo l'ours qui se frotterai contre l'arbre. © Louisa Destugues
On peux voir sur cet arbre un des piège photo. L'appareil est posé en face pour prendre en photo l'ours qui se frotterai contre l'arbre. © Louisa Destugues

Saint-Lary-Soulan est un village singulier par son implantation géographique dans la zone d’adhésion du Parc National des Pyrénées mais aussi par la présence sur ses terres d’une station de ski particulièrement attractive.
Rappelons que l’économie du village repose sur la pratique de cette activité. Nous sommes donc allés à la rencontre du directeur de la station Altiservice de Saint-Lary-Soulan, Akim Boufaid pour voir si les efforts pour l’environnement se poursuivaient sur place.
Dans un premier temps on peut constater les lourdes conséquences du réchauffement climatique sur la station. Cette année à cause du manque de neige elle n’a pas pu ouvrir ses portes à la date prévue, c’est donc avec 10 jours de retard que la saison a débuté le 16 décembre 2023 pour se clôturer le 1er avril 2024
Akim Boufaid soupire : « C’était un hiver un peu compliqué, il y a eu des conditions de météo assez extrême, on va dire, avec des variations de température importantes tout au long de la saison. On n'a pas pu ouvrir l'intégralité du domaine skiable avant le milieu du mois de février. On a fonctionné essentiellement avec la neige de culture de mi-décembre. »
Quand nous l’interrogeons sur le processus de fabrication de la neige de culture, le directeur nous assure qu’il n’y a aucun impact sur l’environnement : « Le processus de fabrication est peut-être artificiel, mais la neige, elle, n'a rien d'artificiel puisque c'est de l'eau qui gèle grâce aux températures négatives à l'extérieur. Il n'y a rien de chimique, il n'y a pas d'additif. On la diffuse dans l'air et avec des températures négatives de l'air, on arrive à fabriquer de la neige, ce n'est rien d'autre que de l'eau congelée. »
Pourtant, malgré ce qu’en dit monsieur Boufaïd, la fabrication de cette neige a bien une conséquence sur l’environnement. Selon un article de la Croix écrit par Frédérique Schneider « Il faut 1 m³ d’eau pour 2 m³ de neige, ce qui, pour un hectare de neige fabriquée sur une épaisseur de 60 cm, nécessite 4 000 m³ d’eau, soit un peu moins de deux piscines olympiques à l’hectare ! Ces installations sont également gourmandes en énergie : 10 000 canons à neige consomment 108 millions de kWh. » Et même si l’eau finit par retourner dans les rivières quand la neige fond, le cycle de l’eau est perturbé.
Pourtant la station a réalisé un investissement de 25 millions pour poursuivre ses efforts environnementaux : « On a modernisé et rationalisé la desserte du domaine skiable par les remontées mécaniques. On a supprimé cinq remontées et on les a remplacées par trois. On a démonté une télécabine qui avait 40 ans, qui était obsolète, et en fin de vie. » Ces nouveaux aménagements se révèlent moins énergivores : « Le fait d'avoir modernisé nous a permis d'abord de diminuer largement notre impact sur l'environnement puisqu'on a supprimé une trentaine de pylônes et quatre gares. C’est aussi un bon investissement pour notre clientèle, on travaille aujourd'hui avec des appareils qui sont plus performants, plus confortables, pour notre clientèle, plus rapides. »
"On sera pratiquement à 2000 arbres replantés à la fin de l'année"
La station ne s’arrête pas là puisqu’elle a également mis en place un plan de reboisement en 2021 : « on a planté 45 arbres, ce qu'on appelle des tiges hautes, c'était des arbres de trois mètres de haut, avec une technique qui était particulièrement compliquée et sur laquelle on a un taux de réussite qui reste faible. Ce qu'on voulait, c'était lancer un programme qui soit visible pour qu’il ait un impact sur les gens, pour nous accompagner. »
Ces arbres sont des Pins Sylvestres et des Pins à Crochets, espèce endémique aux Pyrénées. Grâce à ce reboisement Akim Boufaïd, espère atteindre plusieurs objectifs : « planter des arbres, ça a plusieurs effets sur une station de ski et sur des zones montagneuses. Ça limite les effets du vent. Ça fait de l'ombre, ça favorise le retour de la biodiversité et puis surtout un arbre, c'est le meilleur piège de carbone qu'on ait sur la Terre. » L’entreprise Eco Tree estime qu’un arbre absorbe environ 25 kg de CO2 par an.
La première plantation a eu un faible taux de réussite, 30 %, mais l’action se poursuit encore aujourd’hui, cette fois avec des petits plans d’arbres, élevés en pépinière par l’Office National des Forêt : « On a réédité l'opération en année deux et l'an dernier, on a planté 750 petits arbres, des plants, qui vont eux mettre beaucoup plus de temps à être visibles. Cette année, on plante 1 000 plans supplémentaires sur la station. On sera pratiquement à 2000 arbres à la fin de l'année et on verra l'année prochaine, combien on en plantera. Probablement qu'on repartira sur un programme d'au moins 500 petits plans » Ce projet à un coût élevé, pour l’heure la station a un budget global de 20 000 € et ils prévoient 15 000 € supplémentaire pour les plantations de cette année et de l’année prochaine.
Même si les petits plans ont plus de chance de survivre , ils ne captent pas autant de CO2 qu’un arbre adulte. Evelyne Thiffault, professeure adjointe au Département des sciences du bois et de la forêt de l’Université de Laval a déclaré à l’agence Science presse en 2021 : « Un jeune semis a peu de feuilles ou d’aiguilles : il ne fait donc pas beaucoup de photosynthèse. Peu à peu, il acquiert un feuillage plus fourni et se met à emmagasiner de plus en plus de carbone »
Quand on interroge Akim Boufaïd sur l’origine de ce déboisement il nie l’implication de la station de ski et pointe du doigt le pastoralisme : « ça fait très longtemps qu'il n'y a pas d'arbre sur les zones d'alpage dans les Pyrénées parce qu'il fallait nourrir des troupeaux et donc on faisait des écobuages depuis très, très longtemps. Du coup, ce qu'on fait, ça n'a rien à voir avec la déforestation créée par les stations de ski. Il y a des zones qui ont été déboisée, mais en règle générale, on reboise derrière et quand on fait des terrassements, on met un gazon. »
L’avenir des stations de ski, remis en question
Nous nous interrogeons toutefois sur la pertinence de cet investissement. Altiservice a choisi d’investir 25 millions d’euros dans une période où le réchauffement climatique remet en question l’avenir même des stations de ski. Pourtant Akim Boufaïd ne semble pas inquiété par le futur : « On constate effectivement que sur les 20 dernières années, la température augmente. Ce qui ne remet pas en question le modèle. Nous, on travaille sur des saisons de quatre mois. Et quand on écrit des scénarios avec nos cabinets et notamment le Climsnow, dans lequel des ingénieurs de météo France travaillent, globalement, ce qui est dit, c’est que si on est bien équipé avec une installation de production de neige, et c'est le cas de Saint-Larry, on a, à l'horizon des 30 prochaines années, des durées d’activité d'encore cent jours, ce qui amorti largement les investissements qu’on a réalisés ».
"Ça fait longtemps que les stations de ski ont pris conscience que l’environnement, c'était leur capital. "
Pourtant quand on l’interroge sur la possibilité d’une station deux ou quatre saisons il rigole : le « quatre saisons », c'est plutôt utopique, ou alors sur des activités comme le thermoludisme, des activités d’intérieur mais qui n'attirent pas non plus énormément de monde. La grande difficulté sur nos autres divertissements, c'est que les activités de loisirs de masse, il n'y en a pas. La randonnée, c'est une activité sportive. C'est réservé à une partie de la population puisque ça nécessite quand même une condition physique. »
Certaines stations ont tenté et échoué à la mise en place d’un modèle écoresponsables. À quatre heures de Saint-Lary-Soulan la station de Puigmal 2900 a fermé ses portes en décembre dernier. Deux ans plus tôt, sept passionnés avaient décidé de réhabiliter la station sur un modèle écoresponsable avec une jauge limitée de 1500 skieurs par jours. Akim Boufaid, directeur de la station Saint-Lary-Soulan qualifie ce projet d’un « rêve de doux rêveur ». La station du Puigmal a dû fermer suite aux peu de revenus engendrés par les skieurs, et une très faible saison hivernale avec seulement 30 jours d’exploitation. « Il faut bien comprendre qu’on ne maîtrise pas la météo, parce que le jour où il fait mauvais, quand vous avez du vent, vous ne pouvez pas ouvrir, vous accueillez zéro client. Donc si en plus on commence à limiter le nombre de skieur, le projet était utopique » s’emporte Akim Boufaid qui pointe du doigt le peu d’expérience des anciens gérants de la station.
Une station certifiée
On comprend donc que l’environnement ne doit pas passer au-dessus de l’économie, primordiale pour le village : « Ça fait longtemps que les stations de ski ont pris conscience que l’environnement, c'était leur capital. Ce que je veux dire par là, c'est qu'on est une activité économique, comme toute activité économique, on a des impasses et on les connaît. On essaye de les minimiser. On ne peut pas nous demander de réagir sur tout et de tout faire. On n'en a pas les moyens. » D’ailleurs pour récompenser son implication dans la lutte contre le réchauffement climatique, la station a obtenu une double certification ISO : « on est certifié ISO 50 001, c'est-à-dire en maîtrise de la consommation énergétique depuis cinq ans et on est certifié ISO 14 000, maîtrise des impacts sur l'environnement depuis 20 ans. »
Cette certification définit un cadre d’exigences afin que les organismes puissent se fixer des objectifs annuels. Si ces objectifs sont atteints , la certifications est reconduite. « Nous avons de nouvelles idées chaque année, mais l’idée permanente c’est déjà de réduire de 2% nos émissions de gaz à effet de serre ». Pour ce faire la station a déjà mis en place plusieurs procédés : « On s’est vite rendu compte que nos émissions de gaz à effet de serre, sont essentiellement liées à l’utilisation des carburants fossiles. Alors on a passé divers contrats avec des fournisseurs qui nous garantissent la provenance de notre électricité par des énergies renouvelables, notamment l’hydroélectricité. Dans un deuxième temps pour limiter notre consommation de carburant, on a équipé toutes nos dameuses d’un système GPS avec mesure d’épaisseur de neige pour limiter les trajets. Cette technologie nous permet d’optimiser le travail de damage et de ne passer qu’une seule fois là où avant on pouvait passer trois fois sans s’en rendre compte. Le transport est aussi une de nos priorités, avant on avait sept navettes qui transportaient les skieurs, à la place on a construit le télésiège « forêt » l’année dernière, ce qui nous a permis de supprimer quatre navettes. Ce sont des actions concrètes qui nous permettent de réduire notre consommation de carburant et donc de limiter nos émissions ».

Akim Boufaïd est à la tête de la station Altiservice Saint-Lary-Soulan depuis sept ans. ©Akim Boufaïd
Akim Boufaïd est à la tête de la station Altiservice Saint-Lary-Soulan depuis sept ans. ©Akim Boufaïd




Saint-Lary-Soulan, des espaces protégés
La création de Parc National, de réserve ou encore le classement d’un site sont des solutions mises en place pour protéger un environnement dit sensible, tel que celui des Pyrénées. Saint-Lary-Soulan réunit ces trois modèles en intégrant la zone d’adhésion du Parc National des Pyrénées, mais aussi en accueillant une réserve naturelle, celle du Néouvielle. Cette réserve est l’une des premières de France. Elle a été créée de manière officielle en 1968, mais bien avant en 1936, la Société d’acclimatation de France cède la direction administrative du site à la commune de Vieille Aure. Vincent Alazard, habitant de ce village et salarié au cabinet du préfet déclare : « Cette décision prouve qu’il existait déjà une préoccupation de protection environnementale bien avant tout le monde avec la création de la réserve de Néouvielle à la fin des années 30. » La biodiversité de ce site est très riche, « les glaciers du quaternaire y ont façonné le paysage » peut-on lire sur le site du Parc National des Pyrénées, et plus de 70 lacs occupent l’espace. Les vallées du Rioumajou et du Mondang sont aussi des exemples de paysages d’exception.
Le point commun de ses trois sites étant qu’ils sont tous classés site « Natura 2000 ».
Natura 2000, qu’est-ce que c’est ?
Pour mieux comprendre ce que qualifie ce classement, nous nous sommes tournés vers Marie Cayre, la responsable environnement de Saint-Lary-Soulan, en charge de ce processus : « Avec Natura 2000, on est sur un dispositif qui émane d'une directive européenne. Donc, on est sur un réseau de protection de zones qui ont été déterminées d'intérêt au niveau faunistique et floristique. » Une fois ces zones désignées il existe deux directives au site Natura 2000, la directive habitat et la directive oiseaux : « Nous, au niveau du site Natura 2000 du Rioumajou et de la réserve de Néouvielle, on est désigné site Natura 2000 au titre de la directive habitat. Donc, pour la préservation d'habitat d'espèces d'intérêt communautaire ou prioritaire comme le Barbastelie et le Desman des Pyrénées»
Pour l’instant le principe de Natura 2000 ressemble à s’y méprendre au principe d’une réserve, c’est-à-dire la protection d’une biodiversité en gelant la zone à certaines pratiques humaines, mais Marie Cayre poursuit : « on a mis en place un comité de pilotage qui met autour de la table tous les acteurs qui sont en lien avec le site que ça ce soit le pastoralisme, le tourisme, la forêt, les naturalistes, les chasseurs également, tout le monde est invité. L'idée, c'est la co-construction, la mise en place d'actions en combinant tous les enjeux qui peuvent y avoir sur les différentes thématiques. » Réunir tous les partis autour de la table permet de lier intérêt environnemental et économique.
Les limites de Natura 2000
Si le cadre de ce Natura 2000 semble rigoureux notamment par la présence d’un animateur ainsi qu’un employé de l’organisme qui supervise le suivi, l’association France Nature Environnement n’est pas de cet avis : « Natura 2 000 c’est une fausse protection. Au départ on l’a vu comme une aubaine mais le peu d’animateurs qui encadrent ce projet le rend faible. Certains site classés n’ont même pas de structures porteuses pour parler de sujet environnementaux, alors ils sont dans le classement mais aucun projet n’est porté pour l’environnement »
En parlant avec Marie Cayre, chargée environnement à la mairie de Saint-Lary-Soulan nous observons une incohérence, on parle de l’importance de l’environnement à la municipalité de Saint-Lary-Soulan, pourtant aucun budget n’est consacré à cette cause, selon elle « c'est très difficile à dire puisque ce n'est pas forcément fléché automatiquement 100% environnement. Il y a des choses qui vont être en lien avec l'urbanisme, il y en a d’autres qui vont être du niveau du technique, au niveau des bâtiments, c'est assez transversal comme domaine. »
France Nature Environnement a eu affaire à la collectivité à plusieurs reprises. Plus récemment à cause d’un projet de via-ferrata « C’est la grande mode en ce moment, Ils veulent installer une via-ferrata, mais ils le font sur des falaises qui sont les zones de reproduction de rapaces, ce n’est pas possible, le FNE sera contre ce projet »
Une station éco-responsable est-ce possible ?
De nombreux efforts sont fournis par les dirigeants de la station Saint-Lary-Soulan pour réduire son impact carbone mais une station de ski peut-elle vraiment être éco-responsable ?
D’après un diagnostic réalisé en 2009 par l’association nationale des maires de stations en montagne l’activité du ski émet chaque année 800 000 tonnes de CO2. Le transport, le logement, et les constructions en sont les principales sources. Ce diagnostic est d’autant plus parlant pour Saint-Lary-Soulan qui a fait partie de l’échantillon de 10 stations étudiées.
Pourtant dès qu’on évoque ce chiffre avec monsieur Akim Boufaïd il s’emporte aussitôt : « Est-ce qu'il faut stopper une activité parce qu'elle génère, par le transport, des gaz à effet de serre ? Je pense qu’Il y a quand même beaucoup plus important à faire avant. Je ne sais pas, il faudrait peut-être développer les transports en commun dans les villes, parce que quand vous êtes sur les périphs, vous voyez la concentration de voitures avec une seule personne dedans, je pense que les efforts sont plutôt à faire de ce côté-là » !
C’est dans cette logique environnementale que Monsieur Akim Boufaïd a demandé et obtenu la mise en place d’une navette qui relie Toulouse au village, le ski-bus : « Il est en place, avec des prix extrêmement attractifs mais on ne peut pas obliger les personnes à le prendre, il y a des contraintes de temps, de places. La majorité des skieurs préfèrent venir par leurs propres moyens : en voiture. ».
Cécile Argentin, présidente de l’association France Nature Environnement (FNE) Occitanie Pyrénées pointe du doigt les dégâts causés par les infrastructures des stations de ski :« Dans les Hautes-Pyrénées, les aménagements du ski impactent l’environnement depuis plus de 30 ans, à cause d’une volonté de perpétuel agrandissement qui détruit considérablement les habitats animaux ».
Enfin, nous interrogeons Akim Boufaïd sur le plan Avenir Montagne présenté en 2021 par le premier ministre de l’époque Monsieur Jean Castex. Ce programme à trois objectifs. « Favoriser la diversification de l’offre touristique, accélérer la transition écologique et les activités touristiques de montagnes, dynamiser l’immobilier de loisir et enrayer la formation de « lits froids » (occupés moins de 4 semaines par an) peut-on lire sur le site info.gouv.
Le directeur souffle avant de nous répondre lentement : « Honnêtement, je n'ai pas d'avis, je n'ai pas d'avis sur ces grands politiques, ces grands axes où on parle diversification de transition touristique. Transition touristique ... je ne sais pas ce que ça veut dire. Pour moi, la transition, c'est passer d'un État à un autre. Je pense qu’on évolue. Le tourisme en montagne, évolue depuis que le pyrénéisme ou l'alpinisme a été inventé, depuis l’apparition des premiers touristes. »
Qui sont les skieurs français ?
Nous nous intéressons à ces touristes justement, en particulier aux skieurs. D’où viennent-ils, qui sont-ils ? Une enquête du Centre de recherche pour l’étude et l’observation des conditions de vie (Crédoc) nous donne un portrait des skieurs français.
Dans un premier temps on constate que très peu de français partent au ski : « la pratique des sports d’hiver concerne moins d’un Français sur dix. Ainsi selon l’enquête Conditions de vie et aspirations du Crédoc, 9% de la population est ainsi partie à la montagne à l’hiver 2023 au moins quatre nuits consécutives. » Un chiffre qui a très peu évolué depuis la même enquête réalisée en 2010. Le profil des skieurs aussi n’a pas changé : « Le profil des amateurs de neige et de frimas est plutôt aisé, diplômé : 20% des cadres et professions intellectuelles supérieures sont ainsi parties à l’hiver 2023, contre 7% des inactifs, 17% des hauts revenus contre 6% des bas revenus. On trouve également plus souvent des habitants de l’agglomération parisienne, des hommes, des foyers de quatre personnes, et des jeunes. »
Paradoxalement, malgré l’impact carbone de la pratique du ski, 44% des skieurs interrogés se disent très sensibles à l’environnement, mais 61% sont défavorables à l’idée d’interdire les vols en avion lorsqu’il existe une alternative en train de moins de 6 heures.
Des singularités, et des paradoxes le village de Saint-Lary-Soulan en est rempli. Tous les acteurs que nous avons interrogés semblent constamment confrontés à la perpétuelle dualité : enjeux économiques/conscience écologique.
L’équilibre est difficile et précaire. Force est de constater que la survie du village est intimement liée au bon fonctionnement de sa station de ski qui génère emplois, commerces, et ressources provenant du tourisme.
Toutefois, la municipalité a pris conscience des dangers du réchauffement climatique bien avant d’autres stations pyrénéennes. Elle est la première station de cette chaîne montagneuse à signer la charte en faveur du Développement Durable, en 2007.
En 2009, elle réalise un bilan carbone et met en place des mesures pour lutter contre les principales sources d’émissions de gaz à effet de serre, que sont le transport et le logement.
La station de ski n’est pas en reste puisqu’elle a massivement investi pour moderniser ses infrastructures et les rendre moins énergivores. Un large plan de reboisement a également été déployé depuis 3 ans avec près de 2000 arbres plantés à la fin de l’année 2024. Un investissement qui prend place dans un contexte hivernal de plus en plus difficile à cause du réchauffement climatique, et qui remet en question l’avenir des stations de ski.
Une chose réunit tous les acteurs de la vallée d’Aure et particulièrement ceux rencontrés à Saint Lary Soulan, leur amour pour les Pyrénées. L’avenir nous dira si les actions menées aujourd’hui porteront leurs fruits et si la prochaine génération bénéficiera des politiques économiques et environnementales mises en place depuis près de 20 ans.
Boîte noire

Qui suis-je ?
Je suis Louisa Destugues, étudiante en troisième année de journalisme à l’ISCPA Toulouse. La passion du journalisme m’anime depuis de nombreuses années maintenant.
Lors de mes d’études, j’ai pu expérimenter différents médias à travers mes stages. D’abord la presse quotidienne régionale, à la rédaction du Sud-Ouest et de La Marseillaise. Cette première expérience professionnelle m’a permis de découvrir le monde du journalisme. J’y ai écrit mes premiers papiers ainsi que mes premières enquêtes pour La Marseillaise.
En 2022, je me suis rendue en Nouvelle-Calédonie en tant que journaliste reporter d’image au journal télévisé de Calédonia. Durant mes quatre mois sur place, j’ai pu y développer mes compétences de cadrage et de montage, pour être totalement autonome sur mes reportages.
Enfin cette année j’ai été prise en tant que stagiaire fichiste pour l’émission de C à Vous difusée sur France 5. C’est un rôle qui s’éloigne du journalisme mais qui me permet de découvrir le processus de création d’une émission. Et pour être totalement formée dans les trois médias traditionnels, je ferais un stage de deux mois à la radio locale 100%.
En parallèle de mes activités scolaires je suis en train de monter un projet afin de réaliser des reportages longs formats de manière indépendante pour les vendre plus tard à des chaînes télévisés.
Les dessous de l'enquête
Quand il a fallu trouver un sujet d’enquête, parler d’environnement m’a semblé une évidence. C’est un sujet qui m’intéresse depuis de nombreuses années, mais plus encore depuis que j’ai suivi des cours de journalisme environnemental à l’ISCPA Toulouse. J’ai décidé de cibler les Pyrénées, après avoir lu un article de Météo France qui prouve que les montagnes se réchauffent plus rapidement que le reste de la France. J’ai donc voulu dans un premier temps m’intéresser aux impacts du réchauffement climatique dans les Pyrénées, mais je me suis vite rendu compte que je ne pourrais être exhaustive dans ce domaine. C’est pourquoi après plusieurs recherches, j’ai choisi de m’intéresser au village de Saint-Lary-Soulan pour limiter la zone géographique. J’ai sélectionné ce village parmi tant d’autres pour plusieurs raisons. La première, sa place au cœur du Parc National des Pyrénées, la deuxième la présence de sa station de ski et enfin le nombre d’habitants 854 en 2015 assez conséquent pour avoir une vrai économie de village.
Au fil de mes recherches j’ai remarqué que la commune avait entrepris de nombreuses actions visant à lutter contre le réchauffement climatique, et je me suis concentré sur cet élan écologique.

